Près de 9 millions. C’est aujourd’hui le nombre de personnes que l’on estime directement touchées par la pauvreté en France. Parmi elles 3 millions d’individus se trouvent en situation dite d’extrême pauvreté. Si cette réalité n’est pas nouvelle, elle ne cesse de s’aggraver depuis plusieurs années. Autre réalité alarmante au niveau national, ce sont les générations de demain qui sont aujourd’hui les plus touchées par ce fléau : à savoir 25,2% de la tranche des 18/24 ans. Dans ce contexte, la nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté, présentée le 13 septembre par le Président de la République, était donc particulièrement attendue.

“Faire plus pour ceux qui ont moins” : tel est l’engagement pris par le Président de la République en s’appuyant sur l’annonce d’un grand nombre de mesures plus ou moins détaillées, plus ou moins budgétées et plus ou moins étalées dans le temps. Mais qu’en ressort-il plus précisément pour l’enfance et la jeunesse ? Parmi les principales mesures : l’aide à la création de crèches, l’instauration du repas à 1 euro à la cantine, le renforcement de l’accompagnement des jeunes décrocheurs, la création d’un nouveau service public de l’insertion ou encore la future mise en place d’un revenu universel d’activité. Plus précisément, côté crèches, il s’agirait de les rendre accessibles aux enfants des plus démunis en aidant financièrement les collectivités locales à la création de nouvelles capacités d’accueil. Une mesure qui se traduirait concrètement par la création de trente mille places supplémentaires en crèches et de 100 relais assistants maternels en priorité destinés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le Plan prévoit par ailleurs de garantir à tous les enfants un petit déjeuner et un repas par jour. L’objectif serait d’assurer aux enfants des plus démunis un repas à un euro par jour dans les communes les moins favorisées. S’agissant des jeunes sortis du système scolaire dont le nombre est évalué à près de 20 000 chaque année, le Plan propose d’instaurer une nouvelle obligation de formation jusqu’à 18 ans. La garantie jeunes qui aujourd’hui bénéficie à 100 000 jeunes ayant arrêté leur parcours scolaire sans emploi ni formation devrait pour sa part bénéficier à 500 000 jeunes à l’horizon 2022.

Autre annonce significative à l’égard de la jeunesse, l’interdiction de toute sortie “sèche” du dispositif de l’Aide sociale à l’enfance avant l’âge de 21 ans. Une mesure qui serait fort utile pour ces jeunes trop souvent lâchés à l’âge de la majorité sans être “armés” pour s’engager dans une vie autonome, et qui permettrait de consolider l’impact des efforts déployés à l’égard de ces jeunes durant leur prise en charge.

C’est pourquoi cette annonce a été très bien accueillie comme d’ailleurs globalement l’ensemble des annonces du plan présenté par le Président de la République. Ainsi le choix par exemple de s’intéresser de façon prioritaire à la jeunesse et à l’enfance s’inscrit selon Nicolas Duvoux, professeur de sociologie à l’Université Paris VIII, dans la perspective de l’investissement social issu des pays nordiques très diffusés dans l’Union européenne depuis deux décennies. L’idée principal étant qu’il faut mettre en place une prise en charge universelle et de qualité dès la petite enfance pour éviter le déterminisme social. D’autres commentateurs ont noté l’effort fait par le Président de la République pour utiliser l’idée de “cordée” dans un sens moins élitiste, en marquant l’importance aussi des “derniers de cordée”. De façon plus globale, c’est sa volonté de ne pas enfermer les plus pauvres dans un dispositif, tel que ce fut le cas avec le RSA, qui a suscité le plus de commentaires positifs.

En revanche sur le terrain de la faisabilité du plan, les avis sont bien plus réservés. Les 8 milliards d’euros prévus sur quatre ans, soit 2 milliards par an, semblent bien limités par rapport aux mesures annoncées dans le Plan. Or, qu’il s’agisse des communes en ce qui concerne les crèches et les cantines ou des départements en ce qui concerne les jeunes majeurs, on sait dès à présent que ces collectivités ne disposent plus des marges de manœuvre leur permettant de telles dépenses. Comme l’a bien rappelé le Président la mesure en faveur des jeunes majeurs suppose pour l’État d’en négocier les conditions avec les départements en charge de cette compétence. Or, les désaccords sur le financement de la prise en charge des Mineurs non accompagnés (aplanis, certes mais provisoirement) ou sur les allocations individuelles de solidarité (non résolus) laissent en la matière malheureusement circonspects.