Au lendemain de son 89e Congrès annuel qui se tenait à Bourges entre les 16 et 18 octobre, l’Assemblée des Départements de France (ADF) a fait connaître les dossiers prioritaires sur lesquels elle entend se mobiliser et ses attentes à l’égard du gouvernement. Parmi elles un certain nombre touchent au médico-social et à la protection de l’enfance.

L’ADF plaide pour la création d’Agences départementales des solidarités

Pour l’ADF il s’agit d’abord de poser ses jalons à l’aune de la nouvelle phase de décentralisation sur laquelle le gouvernement travaille avec un projet de loi prévu pour la fin du premier semestre 2020. Comme elle le rappelle, “le bloc social départemental connaît un contexte particulier : son financement est difficilement assuré et son pilotage départemental est régulièrement remis en cause. L’état, paradoxalement reporte sa responsabilité et sa charge sur les départements”. En conséquence l’ADF souhaite, après expérimentation, le déploiement d’“Agences départementales des solidarités” placées sous le pilotage des conseils départementaux pour assurer la coordination locale des acteurs publics et privés, et simplifier le parcours de l’usager. Pour plus de cohérence aussi entre besoins et ressources en matière de travail social, l’ADF propose de récupérer auprès des Régions une délégation de l’organisation des formations du secteur social.

Concernant la politique de la Famille : l’ADF souhaiterait que soit réorganisée l’articulation des relations entre les départements et les Caisses d’allocations familiales (Caf). En la matière, l’ADF est ouverte à un éventail d’hypothèses allant de l’attribution de sièges pour les départements aux conseils d’administration des Caf à la reprise partielle de certaines missions des Caf, jusqu’à l’absorption des Caf par les Départements.

En ce qui concerne la protection de l’enfance, l’ADF rappelle d’abord l’attachement des départements à cette politique et leur investissement : “Cette compétence confiée aux départements depuis les premières lois de décentralisation (dès les années 80), constitue le cœur de leurs politiques sociales, à laquelle ils consacrent 7,8 milliards d’euros annuels, charge financière qui ne cesse d’augmenter et mobilisent des moyens humains à la hauteur de l’enjeu. En effet, le placement sur décision judiciaire représente toujours la principale dépense (plus de 80 % du total) et son poids financier continue de croître”.

Protection de l’enfance : un dispositif et des professionnels qui souffrent, reconnaît l’ADF

Avant de faire ses propositions l’ADF rappelle le contexte de saturation des structures d’accueil et d’un dispositif qui souffre, “comme souffrent les collaborateurs sociaux des départements” qui par ailleurs se sentent injustement malmenés “à la suite de reportages ou déclarations qui jettent le discrédit sur le secteur”.  Elle rappelle cependant que professionnels et élus départementaux n’ont pas manqué de s’impliquer dans les différents chantiers ouverts récemment : missions parlementaires, Igas, démarche de concertation du secrétariat d’état chargé de la protection de l’enfance…Elle affirme que “les départements entendent évidemment poursuivre leur action déterminée auprès des mineurs en danger” et c’est “en renforçant leurs politiques de prévention, et ce, dès le plus jeune âge de l’enfant”.

Concernant la  Protection Maternelle et Infantile (PMI), l’ADF a fait savoir au gouvernement qu’elle doit demeurer une compétence départementale et être élargie avec la reprise par les départements de la santé scolaire, des 3 à 16 ans, sous condition de ressources transférées. Dans le cas d’apports financiers consentis par l’état pour renforcer les actions de PMI il sera demandé que la gestion de ces moyens supplémentaires revienne aux départements et non via des crédits délégués aux ARS. En contrepartie, les départements cesseraient la délivrance des agréments pour les établissements.

Les départements demandent plus de moyens pour la pédopsychiatrie et les Maisons des adolescents. Par ailleurs en matière de santé, l’ADF attend un engagement accru de l’état. D’abord en direction de la pédopsychiatrie qui “est aujourd’hui exsangue”, avec “des moyens très insuffisants alors que la situation de près d’un tiers des mineurs confiés à l’ASE requerrait un soutien clinique”. Elle rappelle que “les temps d’attente pour une intervention pédopsychiatrique peuvent atteindre jusqu’à une année. Or, les mineurs victimes de troubles psychiatriques réclament une réponse adaptée que ne peut fournir l’Aide sociale à l’enfance”.

Ensuite, en faveur des maisons des adolescents qui “devraient faire l’objet d’un soutien renforcé tant leur action est décisive, à un âge de grande fragilité potentielle pour certains jeunes”.

Enfin, dernier sujet et pas des moindres : les mineurs non accompagnés. L’ADF rappelle d’abord que le nombre de mineurs pris en charge par les services de l’ASE a été multiplié par 4 depuis 2015 avec alors 10 194 MNA à l’ASE contre 25 904 fin 2017, et plus de 40 000 fin 2018 (dont 10 000 jeunes en accueil provisoire). Selon les territoires, ils représentent entre 15 et 20 % des mineurs pris en charge au titre de l’ASE. En 2018, sur 60 000 évaluations complètes réalisées par les départements, les 3/4 des jeunes migrants se présentant comme mineurs isolés se sont finalement avérés majeurs, précise l’ADF.

“Le coût global de leur prise en charge s’est élevé à près de 2 milliards d’euros en 2018, précise l’ADF. Le dispositif est devenu trop lourd, tant pour les finances des départements que pour le personnel social, débordé par les demandes et par des tâches qui ne relèvent pas de ses compétences (comme le contrôle documentaire)”. Les négociations entre l’ADF et le gouvernement de 2018* ont débouché sur une participation financière de l’état loin d’être à la hauteur des attentes des départements, celui-ci ne prenant en charge au bout du bout“ que 14% des 2 milliards dépensés pour cette politique par les Départements”.

Dans ce contexte, l’Assemblée des Départements de France  réclame une “séparation claire entre, d’une part, l’accueil, l’évaluation et la mise à l’abri des jeunes migrants par l’Etat sur un mode identique aux demandeurs d’asiles et, d’autre part, la prise en charge par les départements des mineurs au titre de l’ASE, sur décision judiciaire, une fois leur minorité et leur isolement établis”. Elle demande également “une participation accrue de l’état au financement de l’accueil et de l’accompagnement des MNA au titre de la protection de l’enfance ; Une politique pénale claire avec le démantèlement et la répression des filières comme priorités ; Une remise en cause de la présomption de minorité et de la présomption d’authenticité des actes, qui fondent aujourd’hui l’orientation des jeunes vers l’ASE ; Le déploiement du dispositif d’aide à l’évaluation de la minorité (AEM) permettant notamment d’éviter les évaluations ou réévaluations ; Le renforcement de la formation des différents acteurs car le dispositif actuel montre de sérieuses lacunes”.

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