Prévenir et répondre aux violences entre enfants : le projet européen de SOS Villages d’Enfants pour outiller les professionnels et les jeunes de la protection de l’enfance.

LES VIOLENCES ENTRE ENFANTS, DE QUOI PARLONS-NOUS ?

La question des violences entre enfants émerge régulièrement dans le débat public, essentiellement en lien avec le harcèlement scolaire. Ainsi en France, sur les 12 millions d’élèves, près de 700 000 seraient la cible de harcèlement scolaire1 soit 5 à 6 % des élèves. Selon les associations, ce chiffre est pourtant sous-estimé et s’élèverait en réalité à 10 %. Une récente étude de l’IFOP explique que « ces violences auraient lieu majoritairement au collège (54 %) mais aussi lieu en primaire (23 %) et au lycée (13 %) ».

La lutte contre le harcèlement scolaire est donc devenue un enjeu majeur conduisant à l’adoption le 2 mars 2022 de la loi 2022-299, dite « loi Balanant ». Elle fait du harcèlement scolaire un délit, punissable « de 3 ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende à dix ans d’emprisonnement et 150000 euros d’amende lorsque les faits auront conduit la victime à se suicider ou à tenter de le faire ».

EN QUOI LES QUESTIONS DE VIOLENCE ENTRE ENFANTS SONT-ELLES CENTRALES EN PROTECTION DE L’ENFANCE?

La violence entre enfants est aussi une forme de violence très courante pour les enfants et les jeunes accueillis en protection de l’enfance. Ces derniers soulèvent d’ailleurs régulièrement cette question et en parlent comme d’un problème important affectant leur vie.

En effet, les enfants et les jeunes accueillis en protection de l’enfance ont souvent été confrontés à des maltraitances, de la violence ou de la négligence, générant d’importantes conséquences en termes émotionnel, relationnel et comportemen- tal. Ils sont dès lors plus exposés au risque de devenir cibles de violence de la part de leurs pairs (enfants ou jeunes appartenant à la même tranche d’âge), ou d’en être eux-mêmes initiateurs. Les situations de violence entre enfants peuvent être complexes et prendre différentes formes : physiques, sexuelles ou psychologiques.

Les professionnels qui accompagnent les enfants ont souvent du mal, malgré leur prévalence, à traiter ces situations de violences de manière appropriée. Lorsqu’ils s’expriment sur ce sujet, les enfants et les jeunes indiquent qu’il est essentiel, pour les adultes qui les entourent comme pour eux-mêmes, de mieux comprendre le phénomène, les mécanismes de ces violences et d’être préparés pour y répon- dre. Ils insistent également sur la nécessité qu’un soutien soit apporté à tous les enfants concernés : cibles, témoins ou initiateurs.

LE PROJET EUROPÉEN PORTÉ PAR SOS VILLAGES D’ENFANTS: UNE LECTURE À L‘AUNE DES DROITS DE L’ENFANT

Conscient de l’importance du phénomène, et dans la continuité de leur engagement pour la promotion et la défense des droits de l’enfant, SOS Villages d’Enfants International et plusieurs de ses associations membres (5 pays partenaires : Belgique, Espagne, France, Italie et Roumanie) ont réuni leurs efforts dans un projet « Prévenir et répon- dre aux violences entre enfants : adopter des com- portements protecteurs» soutenu par la Commission européenne. Ce projet, initié en mai 2021 et qui se clôturera en 2023, vise à former les enfants, les jeunes et les professionnels de la protection de l’enfance sur les violences entre pairs pour mieux les préparer à les prévenir et à y faire face.

UN PROJET QUI SE DÉPLOIE EN QUATRE PHASES

Toutes les activités menées durant le projet sont coordonnées au niveau européen et mises en Å“uvre au niveau national dans chacun des pays partenaires. En France, SOS Villages d’Enfants s’appuie sur un réseau de partenaires agissant également dans le secteur de la protection de l’enfance : la Croix- Rouge Française, le Département du Nord, la Fondation la Vie au Grand Air, l’Observatoire parisien de la protection de l’enfance et Repairs !75.

L’APPROCHE DES « COMPORTEMENTS PROTECTEURS»

Les objectifs du projet et des formations qui y sont proposées sont de prévenir les violences entre pairs par une double approche : accompagner les enfants et les jeunes à développer des comportements protecteurs pour eux-mêmes et leurs pairs; et donner aux professionnels des outils pour prévenir, identifier et réagir de façon adéquate à la violence entre pairs.

L’approche basée sur les comportements protecteurs pour la prévention des vio- lences entre enfants met l’accent sur plusieurs dimensions:

  • Les droits de l’enfant ;
  • Le développement de la confiance en soi et de la résilience
  • L’importance d’un réseau autour de soi ;
  • La conscience et le respect du corps, de l’espace per- sonnel, du consentement ;
  • La sensibilisation aux valeurs sociales positives, notamment le respect de l’autre et de la différence.

      Pour accompagner le développement de ces comportements protecteurs, les professionnels sont appelés à associer et mettre les enfants et les jeunes au cœur tant de la prévention que de la réponse à la violence. Des propositions sont travaillées lors de la formation des professionnels :

    • Mettre en place des espaces sécures ; un espace sécure étant un espace dédié où les enfants se sentent en sécurité et à l’aise pour exprimer leurs préoccupation. Cet espace doit donc être accessible, agréable, calme et bénéficier de la présence d’au moins un adulte disponible. Cependant, les jeunes insistent sur le fait que l’existence d’un lieu défini ne suffit pas. En effet, un espace sécure nécessite une posture appropriée des adultes qui entourent le ou les enfants : la capacité d’écoute, le respect de la confidentialité, etc.

    « Nous leur expliquons que la confidentialité est très importante, même dans un cadre professionnel, pour permettre aux enfants de leur confier leurs préoccupations et ce qu’ils vivent. De plus, nous leur donnons beaucoup d’outils pour agir. Par exemple, entre la première et la deuxième session de formation, les profes- sionnels formés ont une activité à faire. Je trouve cela très pertinent ! Ils devaient demander aux jeunes dont ils s’occupent de dresser une carte des risques dans un lieu donné, c’est-à-dire d’identifier les endroits où ils ne se sentent pas en sécurité et où il y a de la vio- lence. Cela leur a permis de se rendre compte que la perception des zones à risque par les jeunes est parfois différente de la leur, et de réfléchir ensuite en équipe à la manière de réduire ces risques et ainsi prévenir la violence entre les enfants dans les espaces quotidiens.» (Samah, jeune experte et formatrice).

    – Enfin tout ne repose pas sur les professionnels en tant qu’individus. En effet, ils doivent pouvoir s’appuyer sur deux éléments : premièrement, une culture d’organisation réunissant l’ensemble des équipes dans une cohérence éducative et, deuxièmement, sur une approche partagée privilégiant, à la sanction systématique, les pratiques restauratives et la prise en compte de l’impact du psycho traumatisme.

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